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Nigeria - Redécouvrir l’histoire d’un pays, l’exemple du projet Ife-Sungbo

Dialogues des cultures et Patrimoine
Engagé pour la promotion du dialogue culturel

Connu pour être le berceau de l’humanité par la civilisation Yoruba, Ile-Ife(1) fut un temps la capitale d’un empire bien établi. Malgré les nombreuses tentatives pour découvrir le passé intriguant de cette cité nigériane, nous ignorons encore beaucoup de choses. C’est pourquoi une équipe internationale d’archéologues a décidé de révéler au grand jour son histoire. Gérard Chouin, professeur d’histoire de l’Afrique de l’Ouest et le Docteur Ogunfolakan, directeur du musée d’Histoire naturelle à Ile-Ife, codirigent la mission archéologique d’Ife-Sungbo. Avec le soutien de Total, ils participent à la mise en lumière de l’héritage culturel du peuple nigérian.

L’idée n’est pas seulement d’établir une chronologie, mais de reconstruire l’Histoire.

L’idée n’est pas seulement d’établir une chronologie, mais de reconstruire l’Histoire.

Gérard Chouin professeur d’histoire de l’Afrique de l’Ouest

Les archives d’un monde perdu
En 2009, Gérard Chouin, spécialiste de l’histoire de l’Afrique de l’Ouest du XIIe au XVIIIe siècle, s’installe dans le sud-ouest du Nigeria, un endroit qu’il décrit comme la « Mecque de l’archéologie ». C’est ici que de nombreux archéologues du XXe siècle ont fait les premières tentatives d’exploration. Mais le professeur Chouin est résolu à fournir une recherche plus approfondie. « Je voulais retracer la chronologie, dit-il, et comprendre les évènements du passé. » Il élabore donc un projet archéologique autour d’Ile-Ife, une ancienne ville de l’État d’Osun au Nigeria. Son objectif est d’étudier les murs en terre médiévaux pour replacer ces sites oubliés dans leur contexte historique.
À travers cette mission, le professeur souhaite montrer que de grandes civilisations ont existé dans cette région bien avant la traite atlantique(2).

 

Ita Yemoo
La première phase du projet, implanté sur plusieurs sites, est planifiée pour une durée de quatre ans. Les fouilles commencent à Ita Yemoo à l’été 2015. Sur ce site, situé dans le vieux système de digue d’Ile-Ife, des objets historiques en bronze ont été découverts en 1957. « Ce qui est excitant, c’est d’offrir une meilleure compréhension des objets découverts et de leur contexte », explique-t-il. Le professeur a donc voulu aller au-delà de ces découvertes afin d’obtenir une vision plus globale de l’histoire. À Ita Yemoo, ils creusent une série de tranchées et découvrent des murs des XVIIIe et XIXe siècles. Rapidement, Gérard Chouin et son équipe réalisent que ces murs sont construits sur des structures médiévales plus anciennes. « C’était une opportunité unique de comprendre les différentes couches historiques, dit le professeur, nous avions une chance incroyable de déterrer un contenu plus ancien.

Mission archéologique Ife-Sungbo

La mission archéologique est basée sur la recherche des années soixante de l’archéologue britannique Frank Willets. Les fouilles ont lieu à Ita Yemoo, Eredo de Sungbo et Oke Atan.

Ile-Ife

  • Ile-Ife était le centre de la civilisation Yoruba.
  • Des artefacts comme des masques en cuivre, des pièces de bronze et des têtes en terre cuite y ont été exhumés.
  • Ife était un centre reconnu pour sa production de verre.
  • Aujourd’hui, Ile-Ife est une grande ville de 500 000 habitants située au sud-est du Nigeria.
Nous bâtissons un nouveau récit
pour l’histoire de l’Afrique de l’Ouest.

Nous bâtissons un nouveau récit pour l’histoire de l’Afrique de l’Ouest.

Gerard Chouin professeur d’histoire de l’Afrique de l’Ouest

L’Eredo de Sungbo
En 2016, les archéologues s’installent à Sungbo, un site proche des côtes. Considéré comme l’un des plus grands monuments d’Afrique de l’Ouest, l’Eredo de Sungbo est une immense digue de 1 000 km2, construite en plein milieu d’une forêt tropicale. « Nous avons essayé de comprendre la chronologie de ce monument, qui n’avait jamais fait l’objet de fouilles. Nous pensons qu’il date de la fin du XIVe ou du début du XVe siècle. Cela indique qu’à cette époque, la population avait construit une structure de défense autour de son territoire », explique le professeur.

 

Oke Atan
En 2017, l’équipe poursuit ses recherches à Oke Atan, au sein de la ville d’Ile-Ife. Les fouilles donnent un premier aperçu de l’occupation du site avant le XXe siècle. Les archéologues mettent au jour de très grands revêtements de chaussée ainsi que des fragments de poteries : ces fragments de pierre et de poteries semblent avoir composé les chemins pavés exhumés. « Nous avons constaté qu’Ife a été dépeuplé vers le XIVe siècle et ne s’est repeuplé qu’à partir du XVIIe siècle », soutient Gérard Chouin. Cet intervalle est mystérieux et, selon le professeur, la peste, qui a aussi ravagé l’Europe, pourrait en avoir été la cause.

 

Des trouvailles importantes
Pour ces archéologues, ces découvertes sont capitales. « Nous sommes en train de faire une avancée remarquable dans l’histoire de l’Afrique de l’Ouest. Il est clair que les forêts avaient un rôle dynamique dans le développement de la société, bien avant la traite atlantique. L’idée selon laquelle nous remplissons des pages blanches de l’histoire me motive énormément. Nous sommes en train de montrer l’histoire de l’Afrique dans une perspective plus ancienne. »

 

Une équipe internationale
Le professeur admet que le projet Ife-Sungbo nécessite de nombreuses compétences. C’est pourquoi il s’est entouré d’une équipe de 30 personnes avec qui il apprécie travailler. Il a su attirer des profils riches et variés comme des experts venus des universités du Nigeria, de la France, des États-Unis et du Royaume-Uni. L’équipe est également composée de trois étudiants nigérians, dont deux en Doctorat et un en Master. Ils ont participé au projet grâce à une collaboration avec l’Université d‘Ile-Ife et de sponsors tels, que Total. Ces partenaires partagent avec le professeur Chouin l’envie de préserver l’histoire et l’héritage culturel fascinants de l’Afrique. Total fournit les moyens de transport et de sécurité, et assure la logistique sur le terrain en permettant ainsi à l’équipe de mener à bien ses travaux. Parallèlement, la population locale a été impliquée dans le projet. Comme le souligne le professeur Chouin, la plupart d’entre eux n’étaient pas conscients de l’histoire reposant sous leurs pieds. « Nous avons organisé des visites sur le site pour leur expliquer nos activités, j’ai été surpris de voir l’aide que nous avons reçue une fois le projet compris. »

 

Un passé exceptionnel pour un futur palpitant
Afin de préserver cette histoire exceptionnelle, une collaboration au niveau local est impérative. « Nous voulons convaincre tout le monde de l’importance du projet. Pour le moment, la population locale ne relie pas le passé au présent. Cette histoire est à prendre en compte dans le développement urbain et sa réglementation. Les architectes et les urbanistes ne sont pas toujours formés à voir ces trésors cachés. Nous découvrons ainsi ensemble l’héritage nigérian », dit le professeur Chouin. Durant l’année 2018, les travaux se poursuivront à Ile-Ife. Gérard Chouin est persuadé que les missions archéologiques actuelles pourront être une « passerelle vers d’autres projets ». Sa vision est « de créer des missions similaires dans d’autres pays et de partager ces idées au-delà des frontières ». Il souhaite que les pays voisins s’impliquent et prennent part à son projet. C’est un rêve qui peut potentiellement aider l’Afrique et son peuple à reconstruire une histoire fascinante. Pour le professeur Chouin, ce projet est crucial : « Je veux changer les perspectives du passé, parce qu’il est difficile d’aller de l’avant si nous ne savons pas d’où nous venons. »

Sungbo’s Eredo

  • C’est un système de murs défensifs en terre compressée qui date de la fin du XIVe siècle.
  • Les murs font plus de 150 km de long et certains peuvent atteindre jusqu’à 20 mètres de hauteur.