Makôro, un nouveau tremplin pour les jeunes artistes maliens
DIALOGUES DES CULTURES ET PATRIMOINE - ENGAGÉ POUR LE DIALOGUE DES CULTURES
L’artiste-peintre Amadou Sanogo va ouvrir fin 2021, avec le soutien de Total Foundation et de Total Mali, un lieu de résidence et d’exposition unique en son genre au Mali, pour accompagner les jeunes plasticiens et sensibiliser à l’art les enfants et adolescents de Bamako.
Mardi 3 mars 2020. Il y a foule au Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia de la capitale malienne pour assister à la cérémonie de lancement des travaux du centre culturel Makôro. Il faut dire que ce projet inaugure une structure d’accompagnement des jeunes artistes totalement inédite dans le pays. Portée par le peintre malien de renommée internationale Amadou Sanogo, nouveau talent de l’art abstrait africain, l’initiative répond à un besoin criant pour les plasticiens fraîchement diplômés de l’Institut National des Arts (INA) et du Conservatoire Balla Fasseké Kouyaté de Bamako : disposer d’espaces pour créer et d’un lieu où rencontrer des professionnels reconnus afin de mieux se faire connaître et diffuser leurs œuvres.
Concevoir un lieu pour les artistes par des artistes
Pour Amadou Sanogo, ce centre est l’aboutissement d’un combat personnel : apporter aux jeunes artistes plasticiens du pays d’autres alternatives que celles de devenir professeur de dessin ou d’avoir à changer de voie. Il s’agit aussi de leur donner les moyens de développer leurs propres codes picturaux, de s’affranchir comme lui de l’académisme et des cadres conventionnels, en se battant contre les préjugés et pour l’ouverture d’esprit.
« Après mes études à l’INA en 2003, il n’existait aucune structure adaptée pour poursuivre mes recherches et développer mon propre langage, raconte-t-il. J’ai eu la chance de croiser le chemin d’artistes et de critiques d’art internationaux de passage au Mali, comme Pascale Marthine Tayou ou Simon Djami, de participer à leurs ateliers et de bénéficier de leurs conseils. J’ai alors compris la nécessité de mettre sur pied un centre pour artistes animé par des artistes, qui les comprennent et leur permettent de prendre leur envol, en respectant leur liberté créative tout en les confrontant au marché international. C’est une idée que j’avais en tête depuis un moment. »
Le collectif Badalian, précurseur de Makôro
Cet engagement le pousse d’abord à créer et à financer en 2014 l’atelier Badalian, au cœur d’un quartier précaire de Bamako. Humaniste et libre-penseur, il y fait venir de jeunes artistes prometteurs mais sans moyens, qui travaillent ensemble en toute liberté, mettant à leur disposition le matériel pour qu’ils puissent se concentrer uniquement sur leurs créations. Certains entrent vite dans le circuit international, comme Klèmèguè, dont l’ensemble des œuvres est présenté à la galerie parisienne Magnin-A. En juin 2019, ce collectif d’artistes inaugure avec le soutien de Total Mali la série d’expositions « Total Art », organisées dans cinq stations-service à Bamako. L’événement rencontre un grand succès populaire.
Avec le centre culturel Makôro, la quête d’Amadou Sanogo change de dimension. Cet espace pérenne va permettre de soutenir et d’intégrer sur la durée bien plus de jeunes artistes, avec accueil en résidence de trois mois minimum, mise à disposition d’ateliers et exposition de leurs travaux. Ces jeunes résidents seront coachés par des artistes confirmés et bénévoles. « Nous inviterons également des galeristes et des curateurs internationaux à suivre leur évolution et à échanger avec eux afin de développer leurs pratiques et mieux faire le lien entre l’école et le monde de l’art », continue Amadou Sanogo.

Nous voulons favoriser l’ouverture d’esprit, la libre pensée et l’expression de la jeunesse, […] au profit du développement durable de notre pays.
Un centre autonome pour la culture et la libre expression
Lieu de sensibilisation, le centre a aussi pour vocation de faciliter la transmission des savoirs et des pratiques artistiques entre ces artistes et les enfants et adolescents de Bamako. Ils participeront à des ateliers d’initiation consacrés aux arts visuels, mais aussi aux contes, au théâtre ou à la musique, favorisant l’éveil des consciences et le dialogue des cultures, l’éducation à la tolérance et à la curiosité, dans un pays qui ne dispose pas d’offre culturelle publique et sous menace sécuritaire élevée. « Nous voulons favoriser l’ouverture d’esprit, la libre pensée et l’expression de la jeunesse, dans son apprentissage et sa quête humaine, au profit du développement durable de notre pays », dit-il.
Dans un pays où les moyens financiers dédiés à la culture sont rares, le centre Makôro sera construit dans un quartier à fort potentiel touristique avec la vocation d’acquérir une autonomie financière. « Je ne voulais pas d’un centre qui vive de subventions mais qui parvienne à financer ses propres projets », insiste Amadou Sanogo. Son modèle économique repose sur cinq chambres d’hôtes, un restaurant de vingt couverts, des conférences et des événements payants, dont les bénéfices couvriront les frais fixes pour des ateliers, tout en créant des emplois.
Un projet innovant soutenu par Total Foundation
Total a décidé de s’impliquer durablement aux côtés de l’artiste dans ce projet innovant, pour favoriser l’enracinement et la diffusion de la culture au Mali. Total Foundation a apporté un soutien en ingénierie culturelle, afin que l’artiste établisse un plan de développement complet en recherchant d’autres mécènes et a également contribué aux investissements nécessaires à la construction et à l’équipement du centre, ainsi qu’à sa première année de fonctionnement. Total Mali intervient dans le suivi du projet, fort de sa présence locale et de sa connaissance du terrain.
« La confiance et l’implication de Total ont été décisives pour l’engagement d’autres partenaires nationaux dans le projet, tant pour l’édification que pour le fonctionnement du centre, reprend Amadou Sanogo. Makôro ne va pas seulement permettre d’affirmer au Mali une jeune création libre d’esprit et maître de son destin. Vecteur d’éveil des consciences et d’émancipation, le centre va aussi contribuer à faire changer le regard de beaucoup de Maliens sur les arts plastiques, à changer les mentalités et à renforcer le rayonnement culturel du pays. »

Vecteur d’éveil des consciences et d’émancipation, le centre va aussi contribuer à […] changer les mentalités et à renforcer le rayonnement culturel du pays.
Le centre Makôro, littéralement « hommage aux mères », sera implanté dans le quartier Sogonafing, au nord de Bamako. Composé de cinq chambres-ateliers réservées à de jeunes artistes en résidence, et d’un espace d’exposition qui accueillera plus de 2 000 enfants et adolescents par an pour des ateliers de pratique artistique, il ouvrira ses portes fin 2021. Le projet proposera aussi des espaces commerçants loués à des acteurs locaux et, dans un bâtiment conjoint, une maison d’hôtes et un restaurant. |
CHIFFRES CLES MAKÔRO
- Une superficie de 1000 m²
- La création de 15 emplois directs permanents
- Un coût global estimé à 535 k€