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Forêts et climat - 3 questions à Chris Reij

ENGAGÉ POUR UN ENVIRONNEMENT BÉNÉFIQUE À L’HOMMEchrisreijbd.jpg

 

En 2015, la COP21 a permis une prise de conscience forte, formalisée par les engagements de nombreuses parties prenantes avec un objectif majeur : limiter le réchauffement climatique en deçà de 2°C en 2100. La tâche est ambitieuse. Actionner tous les leviers est donc nécessaire. D’ici à 2035, notre ambition est que l’ensemble des métiers bas carbone représente près de 20 % de notre portefeuille tout en veillant à la croissance rentable de ces activités.

3 questions à Chris Reij 

Chercheur émérite du World Resources Institute à Washington et membre du programme Global Restoration Initiative

Chris Reij est spécialiste de la gestion durable des terres. Il travaille en Afrique depuis 1978 et a participé à de nombreuses études et consultations à travers l’Afrique, avec un intérêt particulier pour le Sahel occidental. Il s’intéresse à la restauration des terres dégradées dans les régions semi-arides, à l’innovation paysanne en matière d’agriculture, aux tendances à long terme de l’agriculture et de l’environnement et à l’analyse des réussites sur le plan agricole et de la gestion des terres en Afrique.

 

Quelle est, selon vous, l’initiative environnementale la plus remarquable en Afrique ?

Le Niger abrite ce qui pourrait être la plus grande transformation environnementale positive d’Afrique. Les épisodes de sécheresse dans les années 1970 - 1980 et la forte pression sur les terres ont entraîné une importante diminution de la couverture végétale au Sahel. De nombreuses technologies de lutte contre la désertification y ont été testées. Depuis le milieu des années 1980, les petits exploitants agricoles des régions densément peuplées du Sud Niger ont commencé à protéger et à gérer les arbres et buissons poussant naturellement sur leurs terres. Ils ont ainsi augmenté le nombre d’arbres dans les exploitations agricoles sur environ 5 millions d’hectares ajoutant ainsi au moins 200 millions d’arbres.

Ils n’y sont pas parvenus en plantant des arbres mais en protégeant et favorisant la régénération naturelle et on a constaté que le reverdissement à grande échelle ne se produit que dans les zones densément peuplées. « Plus il y a de personnes, plus il y a d’arbres ». Les agriculteurs ont augmenté le nombre d’arbres de leurs terres agricoles, certaines espèces contribuant à préserver ou à améliorer la fertilité du sol et produisant du fourrage pour le bétail.

 

les_gao_ne_genent_pas_les_cultures.jpgQuels sont les avantages de cette méthode ?

En augmentant le nombre d’arbres dans les exploitations, les agriculteurs créént des systèmes agricoles plus complexes et productifs, capables de faire face efficacement au changement climatique. Une estimation prudente indique que ce reverdissement à grande échelle dans le Sud Niger permet de produire 500 000 tonnes de céréales supplémentaires, offrant ainsi de la nourriture à 2,5 millions de personnes supplémentaires.

Les femmes sont les principales bénéficiaires de l’augmentation de la densité des arbres dans les exploitations agricoles. En 1985, elles passaient en moyenne 2,5 heures par jour à ramasser du bois de chauffage, la principale source d’énergie dans la cuisine contre 30 minutes aujourd’hui, les arbres se trouvant à proximité de leurs maisons.

 

Quelles leçons peut-on tirer de cette expérience ?

Les initiatives citoyennes sont souvent les moteurs du changement environnemental positif. Le Niger est une réussite, principalement parce que des centaines de milliers d’agriculteurs ont décidé qu’ils gagneraient à investir du temps et de l’énergie dans la protection et la gestion des arbres. Un élément clé de cette réussite est que les agriculteurs se sont approprié les arbres poussant dans leurs exploitations. Une situation récemment confirmée par un changement de la législation sur les forêts. 

L’amélioration de l’environnement ne s’accompagne pas forcément de solutions sophistiquées. La protection et la gestion des arbres et des buissons, qui se régénèrent naturellement sur les terres agricoles, sont des solutions peu coûteuses et produisent des bénéfices rapidement. On trouve des exemples similaires au Burkina Faso, au Mali, en Ethiopie ou au Malawi. Cette technique pourrait être promue dans tous les pays impliqués dans la Grande Muraille Verte pour le Sahara et le Sahel (GMVSS).