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Education et Insertion des jeunes - 3 questions à Son Excellence Sarah Mbi Enow Anyang

Engagé pour l'autonomie des jeunes en situation de fragilité

Dans un contexte économique mondial complexe, le chômage et la précarité des jeunes entraînent des conséquences préoccupantes sur les plans humain et économique, et ce partout dans le monde. En Afrique, où la jeunesse représente plus de 60 % de la population, on constate qu’elle se heurte à des problématiques de pauvreté, de chômage, de manque de structures scolaires, d’analphabétisme parfois. Les jeunes sont à la fois l’avenir des territoires et la clé de leur vitalité. Notre objectif : leur donner les moyens de prendre leur avenir en main et de jouer un rôle social structurant. Trois leviers sont utilisés : accompagner la réussite scolaire et le développement personnel, favoriser l’accès à la formation générale et professionnelle et soutenir l’entrepreneuriat.

3 questions à Son Excellence Sarah Mbi Enow Anyang
Commissaire de l’Union africaine chargée des ressources humaines, de la science et de la technologie
 

Le Pr. Sarah Mbi Enow Anyang a plus de 20 ans d’expérience dans le domaine universitaire, professeur de littérature africaine et du Commonwealth, titulaire d’une bourse Fulbright en résidence à l’université de Scranton, aux États-Unis, en 2004- 2005, inspectrice des Affaires académiques au ministère de l’Enseignement supérieur, Cameroun. 

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Quels sont les défis de l'éducation en Afrique ?

Le secteur éducatif africain est actuellement confronté à un nombre et à des types de défis inédits. Ceux-ci sont dus à des contextes historiques et émergents. L’avenir de l’offre et de l’accès à l’éducation n’a jamais été aussi incertain qu’aujourd’hui. La qualité de l’enseignement est gravement menacée par l’impréparation des systèmes aux modes alternatifs d’offre et d’accès. Les capacités économiques individuelles et nationales s’amenuisent, ce qui rend les interventions souhaitées difficiles à réaliser. La pandémie de Covid-19, les catastrophes, les guerres et les troubles civils, les conflits du travail, la pauvreté, les disparités entre les sexes, les lacunes en matière de gouvernance et de politiques ne sont que quelques exemples des causes de cette situation. Dans de telles circonstances, ce sont généralement les femmes et les jeunes filles dans le système éducatif qui en font les frais. D’un autre côté, les femmes jouent un rôle central dans la réussite de ce secteur et d’autres.

Le plan directeur de développement de l’Afrique, l’Agenda 2063, s’engage à accélérer les actions visant à « intensifier la révolution de l’éducation et des compétences, et promouvoir activement la science, la technologie, la recherche et l’innovation en vue de renforcer les connaissances, les ressources humaines, les capacités et les compétences pour donner une impulsion à l’innovation et pour le siècle africain. » Aspiration 6 : une Afrique dont le développement est axé sur les populations, qui s’appuie sur le potentiel de ses populations, notamment celles des femmes et des jeunes. Le paysage de l’éducation en Afrique souffre actuellement de plusieurs difficultés, dont certaines ont été classées par de nombreuses parties prenantes dans les catégories suivantes :

Défi de l’équité : trop d’enfants ne sont pas scolarisés et/ou sont en décrochage scolaire. Plus de 20 % des enfants âgés de 6 à 11 ans environ ne sont pas scolarisés.

Défi de l’apprentissage : en raison de la piètre qualité de l’éducation et de l’apprentissage, de nombreux enfants et jeunes n’atteignent pas le niveau de compétences requis pour entrer dans la vie active.

Défi de la pertinence : en Afrique, le nombre de diplômés sous-employés ou au chômage reflète l’inadéquation entre les compétences et le marché du travail. Il existe un fossé entre le monde universitaire et le monde professionnel.

Défi de l’accessibilité : les États membres n’ont pas les moyens d’investir davantage dans les enseignants, les livres, les infrastructures et les équipements pour améliorer l’accès et la qualité de l’éducation. Le coût de l’éducation est également trop élevé pour la plupart des ménages pauvres du continent.

Dans le domaine de l’enseignement supérieur plus précisément, nous constatons des différences entre les systèmes disparates d’enseignement supérieur hérités du passé colonial de l’Afrique, à savoir anglophone, francophone et lusophone, et certains pays arabes d’Afrique du Nord ayant leurs propres systèmes spécifiques. Cette situation entrave la mobilité du personnel et des étudiants entre les pays. Les statistiques montrent clairement que la mobilité académique à l’extérieur du continent dépasse de loin celle à l’intérieur.

En outre, le secteur éducatif africain en général, et l’enseignement supérieur en particulier, ont souffert pendant plusieurs décennies d’un sous-financement, en partie à cause des crises économiques et politiques et en partie à cause de la mise en œuvre d’une politique erronée selon laquelle l’investissement dans l’enseignement supérieur ne produit pas de rendements économiques et sociaux suffisants par rapport à l’investissement dans les niveaux inférieurs d’éducation. En conséquence, pour répondre à la demande pressante d’enseignement supérieur, les institutions ont dû faire face à une augmentation considérable du nombre d’étudiants, sans pour autant développer leurs infrastructures ou entretenir correctement celles qui existent. La qualité de l’enseignement supérieur en a inévitablement souffert.

La pandémie de COVID-19 a davantage exacerbé ces difficultés. Nous observons de quelle manière la pandémie a touché des millions de personnes et a forcé la fermeture d’écoles et l’arrêt des activités socio-économiques sur le continent. Tout cela a considérablement fait reculer les progrès réalisés en matière de prospérité sur le continent, d’inclusion et d’accès à l’éducation, pour n’en citer que quelques-uns parmi de nombreux autres indicateurs.

Quelles sont, selon vous, les principales avancées en matière d'éducation ?

L’Union africaine œuvre à l’avènement d’un continent intégré et prospère, dirigé par son propre peuple, et occupant la place qui lui revient sur la scène mondiale. Nous avons élaboré la stratégie continentale en matière d’éducation pour guider le développement du capital humain de l’Afrique afin de soutenir cette vision dans les différents domaines thématiques, tels que les STIM, l’éducation de la petite enfance, les TIC dans l’éducation, les programmes scolaires, pour n’en citer que quelques-uns.

Nous sommes conscients que les défis de l’écosystème éducatif africain ont également fait apparaître de nouvelles perspectives. L’éducation est indispensable pour qu’une nation puisse développer et atteindre les objectifs de développement durable dans tous les domaines. Consciente de son importance non seulement pour le développement de l’Afrique, mais aussi pour sa capacité à contribuer à la réalisation d’un développement durable à l’échelle mondiale, l’éducation africaine suscite aujourd’hui une attention croissante, tant de la part des instances socio-économiques, politiques et financières du continent que des organisations internationales. Presque toutes les communautés économiques régionales (CER) du continent africain ont identifié l’éducation comme un domaine majeur de réforme. La plupart des agences internationales de développement et de financement se sont engagées à soutenir l’éducation en Afrique. La revitalisation tant attendue du système éducatif africain, notamment par l’amélioration de ses infrastructures et de sa gouvernance, est désormais bien engagée. On est aujourd’hui davantage conscient du potentiel de la collaboration interafricaine en matière de partage des ressources, notamment pour le renforcement des capacités. Le potentiel lié à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) est désormais à la portée de l’Afrique.

Au sein de la Commission de l’Union africaine, des efforts concertés sont déployés dans le cadre de la stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA 16-25), qui vise à réorienter les systèmes d’éducation et de formation en Afrique, pour répondre aux besoins de connaissances, de compétences, d’innovation et de créativité nécessaires pour promouvoir les valeurs fondamentales africaines et propulser le développement durable aux niveaux national, régional et continental. L’UA travaille avec les États membres pour déployer les DOTSS en tant que programme minimum pour la transformation du système éducatif africain. DOTSS est l’acronyme de :

D Digital connectivity, Connectivité numérique

O  Online et offline learning, Apprentissage en ligne et hors ligne

T Teachers as facilitators and motivators of learning, Enseignants en tant que facilitateurs et Mentors dans l’apprentissage

S Safety online and in schools, Sécurité en ligne et dans les écoles

S Skills focused learning, Apprentissage axé sur les compétences pour élaborer des stratégies/plans de mise en œuvre sectorielle de la stratégie de transformation numérique de l’UA

En outre, la CUA estime que l’apprentissage numérique a le potentiel de révolutionner l’éducation par le biais d’une offre numérique généralisée accessible à tous en Afrique. L’adoption d’approches radicales et innovantes par le biais de l’apprentissage en ligne peut également contourner les principaux goulets d’étranglement de l’éducation et résoudre la crise éducative du continent du point de vue de l’équité, de la qualité et de la pertinence. C’est pourquoi la Commission poursuit l’élaboration de la stratégie en faveur de l’éducation numérique afin d’orienter ce processus.

L’objectif de la stratégie d’éducation numérique de l’UA est de transformer les systèmes éducatifs africains pour améliorer l’accès, l’inclusion, la qualité et la pertinence de l’éducation et de l’apprentissage afin d’apporter une contribution significative et substantielle au développement de l’Afrique, comme le prévoit l’Agenda 2063. La stratégie prévoit notamment de s’attaquer aux principaux goulets d’étranglement qui entravent l’adoption et l’intensification de la numérisation des systèmes éducatifs africains, à savoir la connectivité, le contenu et la pédagogie, le coût des données, l’accès aux appareils et les capacités d’enseignement, de gestion et de maintenance. Elle étudiera l’utilisation de méthodes no-tech, low-tech et high-tech dans différents contextes et proposera des étapes pratiques et des conseils pour la numérisation dans les différents États membres de l’UA. La stratégie soutiendra également l’éducation numérique de plusieurs manières, qu’il s’agisse du développement de pédagogies numériques pouvant être utilisées en classe, de la connectivité et des infrastructures afin de pouvoir toucher un groupe d’apprenants plus diversifié.

Les solutions proposées aujourd'hui vont-elles dans le bon sens pour la jeunesse africaine ?

En effet, la CUA est en définitive guidée par les besoins en capital humain de la société du XXIe siècle et au-delà, dont la jeunesse africaine est l’ultime bénéficiaire. Et toutes nos activités ont pour objectif d’offrir un avenir durable à la jeunesse africaine. Comme l’a dit Nelson Mandela : « L’éducation est le puissant moteur du développement personnel. C’est grâce à l’éducation que la fille d’un paysan peut devenir médecin, que l’enfant de travailleurs agricoles peut devenir Président d’une grande nation. » Mon père aimait à dire « Quand on n’a pas de parrain, l’éducation est la clé qui ouvre toutes les portes. »

Gardant à l’esprit l’Agenda 2063 de l’Union africaine, dont le développement est axé sur les populations et s’appuie sur le potentiel des peuples africains, en particulier les femmes et les jeunes, la CUA a soutenu l’appel au développement de compétences qui répondent à la demande du marché et aux exigences qui renforcent la capacité des peuples africains à s’engager activement dans la société. Ce soutien se reflète dans un grand nombre de nos initiatives en faveur de la jeunesse, qu’il s’agisse de l’initiative 1  million d’ici 2021 du président de la Commission de l’Union africaine, S.E. Dr Moussa Faki Mahamat, qui vise à offrir à des millions de jeunes Africains de tout le continent des possibilités et des interventions concrètes dans les domaines clés de l’emploi, de l’entrepreneuriat, de l’éducation et de l’engagement (les 4 E), ce qui accélérera le développement socio-économique du continent ; l’exposition Éducation innovante en Afrique, en tant que programme phare du département RHST, vise à rassembler les différentes parties prenantes du continent afin d’identifier, de promouvoir et de diffuser les innovations éducatives prometteuses en Afrique. Notre programme Initiative Compétences pour l’Afrique identifie également les jeunes comme les moteurs du changement dans le monde du travail et leur impact sur le développement des compétences et le développement économique inclusif.

"L'éducation est le puissant moteur du développement personnel. L'éducation est la clé qui ouvre toutes les portes."
Nelson Mandela

Le département RHST de la CUA a lancé le programme Éducation innovante en Afrique, programme phare du département. Il entend réunir différentes parties prenantes sur le continent afin d’identifier, de promouvoir et de diffuser les innovations éducatives prometteuses en Afrique. Compte tenu des crises liées à la pandémie de COVID-19, l’exposition annuelle Éducation innovante en Afrique s’est déroulée sous la forme d’une série d’événements et d’activités virtuels entre août 2020 et juin 2021. Elle comprenait un appel à candidatures, un renforcement des capacités, des dialogues, une exposition, des présentations et des projets pilotes des innovations sélectionnées. L’Expo Innovation en Afrique 2021 est toujours en cours et compte plus de 630 appels à candidatures, avec un TOP 50 et 10 innovations identifiées en vue de déterminer le Top 3 des innovations. Ces innovations seront développées grâce à des subventions de 100 000 USD, 60 000 USD et 40 000 USD respectivement aux trois premiers lauréats.

Nous veillons à ce que les enseignements tirés des innovations appliquées à l’éducation soient documentés et partagés entre les États membres de l’UA afin de servir de points de référence pour l’intégration de l’apprentissage en personne.
Au niveau continental, nous mobilisons les parties prenantes dans le cadre du mécanisme de groupes afin de développer des produits de connaissance basés sur les expériences que nous avons recueillies et qui consolident la réponse des États membres à l’avenir.

CHIFFRES CLÉS POUR COMPRENDRE

  • Taux d’acheminement du cycle primaire plafonne à 69% en Afrique subsaharienne en 2019 selon les données de l’Unesco
  • 9M de filles âgées d’environ 6 à 11 ans n’iront jamais à l’école
  • 1/5 des enfants âgés d’environ 6 à 11 n’est pas scolarisé
  • 1/3 des enfants âgés d’environ 12 à 14 ans n’est pas scolarisé