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Au Gabon, une équipe internationale de chercheurs au chevet des éléphants

Climat, littoraux & océans - Soutenir des projets pour la préservation des écosystèmes littoraux et océaniques

A la suite d’un projet de recherche long de plus de 30 ans, les scientifiques Robin Whytock et Emma Bush de l’Université de Sterling ont mis en évidence une forte dégradation des conditions de vie des éléphants au Gabon. Conséquence du changement climatique la production fruitière à la base de leur alimentation ne cesse de baisser et l’impact sur leur santé physique est déjà visible…

En Afrique centrale, l’impact du changement climatique surles éléphants est visible

7_josh_ponte.jpgLa forêt tropicale du Parc National de la Lopé a révélé aux chercheurs, , certains de ses secrets. Pouvoir toucher du doigt les mystères de la nature se mérite. Robin Whytock et Emma Bush ont à eux deux passé près de 20 ans à étudier la zone : lui, apportant son expertise de la faune et elle, sa connaissance aiguë des plantes. Un travail en symbiose qui leur a permis de mettre en lumière un important et alarmant phénomène : le changement climatique a entraîné une baisse significative de la disponibilité en fruits, affectant la forme physique des éléphants de forêt. « Plus de 50% d’entre eux vivent au Gabon. Ils évoluent dans une forêt tropicale humide dont la saisonnalité a été bouleversée par le changement climatique. Alors que la saison sèche intervenait auparavant entre juin et juillet, elle est devenue aujourd’hui quasiment permanente ! Nous avons mesuré un déclin de 80% de la production fruitière entre 1986 et 2018. Concrètement, cela veut dire que les éléphants de forêt doivent désormais explorer 50 arbres avant de trouver des fruits lorsqu’ils parvenaient à en trouver tous les 10 arbres environ dans les années 80, déplore Emma Bush. Conséquence immédiate de cette moindre floraison, la forme physique des éléphants s’est dégradée : leur masse s’est réduite de 11% entre 2008 et 2019. « Nous sommes probablement témoins du début d’une phase d’extinction des éléphants de forêt en Afrique. C’est dramatique, surtout lorsque l’on sait combien ces animaux sont importants pour la régulation du climat. Leur présence dans ces forêts en modifie la typologie : on y trouve des arbres avec du bois plus dense, qui peuvent capter davantage de CO2», ajoute Robin Whytock. 

Nous sommes probablement témoins du début d’une phase d’extinction des éléphants de forêt en Afrique. 

Robin Whytock

Un projet de recherche international unique

emma_bush_0.jpgIl aura fallu 37 ans d’observation aux équipes associées au projet pour mettre la lumière sur ces phénomènes. C’est dans le cadre de leur doctorat réalisé avec l’Université de Sterling en Écosse qu’Emma et Robin commencent ce long travail de recherche. Ces jeunes experts mesurent la chance qu’ils ont de pouvoir travailler sur un projet international de cette ampleur. « Les chercheurs se plaignent généralement de ne pas avoir suffisamment de données. Ce n’est pas le cas ici : sur cette étude, nous avons pu réunir et exploiter énormément d’informations ! », se réjouit Emma. Elle salue l’extraordinaire travail mené par les équipes terrain du Parc National de la Lopé. Avec une régularité exemplaire, des visites sont réalisées une fois par mois pour inspecter plus de 70 espèces d’arbres. « C’est vraiment unique d’avoir des données aussi régulières et sur une si longue période ! Seul le passage d’un éléphant sur le parcours des chercheurs est à même de perturber cette mécanique bien huilée », note amusée l’experte de l’écologie des plantes. De son côté, Robin a pu s’appuyer sur la technique du piège photographique pour observer les éléphants. « Nous avons positionné 200 caméras sur des arbres. Elles se déclenchent lorsqu’un animal passe à proximité. Les nouvelles technologies permettent de renforcer la solidité de nos découvertes », explique-t-il. Les deux chercheurs mettent aussi en avant une collaboration extrêmement efficace entre les différents acteurs du projet : l’université de Sterling, l’Agence Nationale des Parcs Nationaux, le Ministère gabonais des eaux, des forêts, de la mer et deauthor_robin_whytock.jpg l'environnement, l’Institut de recherche en écologie tropicale au Gabon et le Jardin botanique d’Édimbourg ont ainsi chacun apporté leur expertise et leur soutien. « Sur place nous avons pu nous appuyer sur un groupe de chercheurs séniors et sur une équipe terrain exceptionnels », insiste Emma. « Obtenir des financements sur le long-terme est un challenge en soi ! Le soutien financier de Total Gabon, à travers ses partenariats avec le CIRMF (Centre International de Recherches Médicales de Franceville) et l’ANPN, , depuis toutes ces années, a donc été aussi déterminant », ajoute Robin.

C’est vraiment unique d’avoir des données aussi régulières et sur une si longue période !

Emma Bush

Aller de l’avant

L’intérêt qui a accompagné la publication de leur étude dans la prestigieuse revue Science ne marque en aucun cas la fin de leur travail, bien au contraire. Marqués par l’ampleur de leur découverte, ils poursuivent sans relâche leur travail de recueil et d’analyse des données. Les pistes pour limiter les dommages du changement climatique sur les conditions de vie des éléphants du Gabon sont minces… Des chercheurs évoquent le recours à une alimentation assistée. Une solution impraticable d’après Robin pour qui une lueur d’espoir subsiste tout de même puisque selon lui, « les éléphants trouvent toujours des moyens de s’adapter ».

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Chiffres clés

  • 80% de baisse de la production fruitière entre 1986 et 2018

  • 11% de perte de masse corporelle chez les éléphants du Parc National de la Lopé entre 2008 et 2019

  • 50% de la population mondiale d’éléphants de forêts se trouve au Gabon

Lire l’intégralité de l’étude :

https://science.sciencemag.org/content/370/6521/1219.abstract

Les éléphants, un symbole en voie de disparition de la mégafaune en Afrique

9_josh_ponte_0.jpgLes éléphants sont les plus grands animaux terrestres au monde. L’éléphant d’Afrique, avec un poids allant jusqu’à 6 tonnes, est plus imposant que son cousin d’Asie. Alors que leur nombre était encore estimé à 1 million dans les années 1970, on évalue aujourd’hui à moins de 500 000 le nombre d’éléphants de savane et à 9 500 seulement celui des éléphants de forêt. Selon une étude de 20161, la population d’éléphants d’Afrique centrale a baissé de 60% entre 2002 et 2011. Une tendance qui se poursuivrait depuis à un rythme de 9% par an. Le braconnage et la perte de leur habitat sont en cause. Les effets du changement climatique sur la disponibilité en fruits, éléments à la base de leur alimentation, noircit désormais davantage le tableau.

1. http://www.greatelephantcensus.com/final-report